On assiste avec Le parc à l’élaboration d’une peinture sur un amour de jeunesse. Les premiers coups de pinceau sont tout d’abord timides et délicats. Deux adolescents se retrouvent dans un parc et s’effacent dans la matière végétale et minérale qui les entoure. En plein cœur d’une nature figée et buissonnante, ils sont avalés par le ciel, l’herbe et l’ombre des arbres. Le trait est impressionniste. Il exprime les mouvements lents d’une nature qui suit les mouvements prudents du cœur. Le lent mais évident rapprochement des deux adolescents les extirpe progressivement de cette nature refuge. Le cadre se rapproche et Damien Manivel saisit les deux amoureux en champ contre-champ frontal dans des gros plans où se tait un bref instant cette nature prodigue. Le film ne s’arrête cependant pas là car la nuit tombe dans le parc et une nouvelle peinture est à esquisser.
La jeune fille restée seule au milieu du parc reçoit des SMS de son copain parti. Il lui annonce que c’est déjà fini. Le soleil disparaît et la noirceur infuse lentement l’écran. L’amour n’est qu’un fugace rayon et Damien Manivel peint en miroir sa face sombre et cachée. La jeune fille se lève et part en marche arrière en plein cœur d’un parc devenu forêt, comme pour tirer un trait définitif sur la première partie enchanteresse. Un gardien la poursuit avant de la traquer complètement. Le jeu d’amour inauguré dans la première partie devient ainsi jeu de fuite puis sombre carrément dans la menace. La forêt y prend des proportions fantastiques, grandit et envahit la jeune fille. La toile impressionniste disparaît au profit d’une toile symboliste. En enfonçant l’innocence d’une jeune fille dans la bourbe comme le fait Charles Laughton dans La nuit de chasseur, Damien Manivel navigue en plein Southern Gothic marécageux. Un raccord magnifique en fin de film reliera les deux parties. Impossible de savoir si la deuxième partie se situe réellement après la première. Après tout, le jour succède aussi à la nuit. Avec ce court long métrage, Damien Manivel s’empare d’une des forces majeure du cinéma : dessiner plusieurs tableaux et laisser poindre l’enjeu dramatique dans leur succession.
Tino Tonomis
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