L’école buissonnière est une expression heureuse. Elle ne désigne pas un à-côté de l’école mais la possibilité d’une autre école encore en friches, une école à réinventer. En filmant une tribu de jeunes adolescents dans leurs escapades, et notamment les deux frères jumeaux Roman et Sifredi, le cinéma de Vincent Pouplard se fait lui aussi volontiers buissonnier, c’est-à-dire aventureux et riche de futures promesses. Cette petite communauté se retrouve dans une école abandonnée et déjà gagnée par la végétation. Ils continuent à la faire vivre en portant haut le verbe libre. Ils se font à la fois maître et élève, savant et ignorant. Ils occupent leurs journées à débattre, à construire des cabanes dans la forêt, à faire du vélo ou à se baigner dans des endroits où l’homme semble avoir disparu. Roman et Sifredi ont d’ailleurs été exclus du foyer familial. Ils poussent la logique jusqu’au bout et cela implique pour eux une mise au ban de la société. L’état de nature est réenchanté et cette communauté heureuse affiche le sourire de la jeunesse. La forêt parcourue par une lumière bienveillante renaît avec eux sous la caméra de Vincent Pouplard.
Le documentaire prend un chemin de traverse broussailleux pour aboutir à un éloge inattendu de la marge. Le projet est de saisir une vitalité mais celle-ci ne flâne pas. Elle vise bien un nouvel idéal de vie qui éclatera à la toute fin du film. Vincent Pouplard est embarqué malgré lui dans cette aventure. De cette communauté il ne restera que Roman et Sifredi. Ils questionnent tout, réagissent à tout et in fine débroussaillent tout. La quête de ces jeunes héros idéalistes est d’arriver à l’essentiel, d’atteindre la beauté des choses et le cœur d’une nature qui leur semble loyal. Sur un banc, la forêt en second plan, ils finissent par se demander « qu’est-ce qu’on ne sera jamais ? », toujours avec cette même volonté de se débarrasser du superflu. « On ne sera jamais morts », « on ne sera jamais comme les autres » répondent-ils. La mort et les sociétés rejetées, le mauvais sort conjuré. Et la bénédiction de la forêt juste derrière.
Tino Tonomis
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