#14 – Jours de France (Jérôme Reybaud)

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Le territoire de l’intime est sans balises et sans fin. Et lorsqu’il se déploie, ce territoire connu et reconnu finit par devenir inconnu. Il est une invitation à se redécouvrir et à se perdre, un territoire fuyant et sans cesse distancé de l’endroit où on pose ses bagages. En représentant géographiquement ce territoire dans Jours de France, Jérôme Reybaud fait de la fuite de soi un étonnant jeu de piste. Pierre abandonne Paul pour s’abandonner à son tour sur les routes de France. Il y reconstruit alors une sorte de langueur amoureuse qui dissimule l’évidence d’un désir. Si l’espace est immédiatement quadrillé par une technologie omniprésente, que ce soit à travers les GPS ou l’application Grindr, c’est pour mieux s’amuser de ses failles et des espaces complètement libres qui y demeurent. L’échec de la traque réduit à néant l’hypothèse du film d’espionnage et favorise ainsi la promenade. La divagation du désir prend des formes tour à tour caustiques, tendres et cruelles et à chaque nouvelle rencontre le désir s’éprouve et s’enrichit d’une nouvelle facette.

Dans une des séquences les plus cocasses, Pierre rencontre un VRP sur un parking et partage un petit bout de route ensemble la nuit. Le VRP décrit avec un érotisme assumé les courbures de sa voiture sur une route en lacet. Ils se retrouvent dans un hôtel et fantasment tous deux sur leur compère de route à travers le mur qui sépare leurs chambres. La frustration et le plaisir solitaire qui émanent de cette rencontre ratée font néanmoins jaillir un autre désir tout aussi fort : le désir d’un voyage, et ici en l’occurrence de cette route sensuelle qui les a menés à l’hôtel. Jours de France est une traversée curieuse des paysages français. Eux aussi sont des personnages à rencontrer. La beauté ce film est qu’il poursuit deux mouvements jusqu’à leur rencontre fatidique : tandis que le désir monte, monte, Pierre et son poursuivant Paul descendent du Nord au Sud. La séquence finale sur la plage découpe le plan en deux entités. Devant, une étendue maritime inconnue. Et derrière, Paul rejoint Pierre et l’enlace. Leurs regards ne se croisent pas. Mais l’évidence et la puissance du désir signent la fin d’une épopée. Toute se fige enfin. Le territoire de l’intime se resserre sur ces deux personnages. Il redevient alors leur contrée secrète.

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Tino Tonomis

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