#17 – Grave (Julia Ducournau)

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Les premières œuvres font toujours plaisir lorsqu’elles portent la marque de la déclaration de guerre. Grave est un coup de machette dans un cinéma français trop souvent à fleur de peau. Il fait partie de ses films corrosifs qui déchirent l’épiderme pour en arracher un cœur nu sanguinolent. Les effusions de sang et le cannibalisme peuvent devenir l’étendard d’un nombre conséquent de métaphores, notamment lorsque Justine le personnage principal se présente comme une adolescente fraîchement débarquée en école de vétérinaire et dont le corps est d’emblée mise à l’épreuve d’un bizutage cruel. Un corps en mutation intriguera toujours un regard cinématographique. Ici, la métaphore n’est pas subtilement filée. Elle est violente. Le goût du sang n’est que l’expression primesautière de la crudité des sentiments qui sabordent une jeunesse pour mieux l’édifier. Dans une séquence terrible, sa sœur Alexia provoque un accident pour mieux s’abreuver du sang des victimes. Les liens de sang qui coulent dans les veines fraternelles des deux sœurs sont à ce moment-là tailladées, toute circulation s’arrête, et Justine n’a d’autre choix que de laisser le sang couler pour mieux s’en asperger. La saignée est intarissable.

L’épreuve de l’amour est sanglante. Grave est surtout un film sur la naissance de l’émoi. Son titre renvoie à l’âge adulte, ce moment où les choix du cœur se gravent et les tourments s’aggravent. Justine sait ce qu’elle aime et aimer a un prix. Il en va de la fête qui la pousse dans des situations de transe. Il en va aussi de son meilleur ami Adrien qu’elle dévorera d’amour à la cuisse, un organe qui symbolise l’espace de la filiation paternelle. Et enfin, elle aime sa sœur et de façon plus générale son héritage génétique. Dans une dernière séquence, le père de Justine dévoile les cicatrices sur son torse et conseille à sa fille de trouver elle-seule la solution. Se lisent à ce moment-là des années de douleur et d’émotions tenaces ayant tracé leurs plaies éternelles. Il lui fait à ce moment-là une promesse d’amour et ne lui cache rien du parcours sanglant qui l’attend. Le sang finit toujours par sécher et il laisse des sillons durables.

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Tino Tonomis

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