#18 – Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc (Bruno Dumont)

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Et si la beauté du cinéma de Bruno Dumont résidait finalement dans sa profonde piété ? Avec une économie de moyens, il continue dans son nouveau film d’explorer les miracles de la coprésence entre l’homme, la matière et le divin. A ce titre Jeannette est une évidence dans le cinéma de Bruno Dumont car son personnage provient à la fois d’une enfance naïve qui débarque sur terre et du divin qui a tôt fait de l’emporter au ciel. L’enfance et toutes ses découvertes débutent à peine qu’elles sont déjà transcendées. Son cinéma en deux bandes horizontales pastels, le jaune et vert de la Côte d’Opale et le bleu clair du ciel, assoit d’emblée la fillette dans un milieu. Elle l’occupe pleinement, comme une immanence sur une toile transcendante. Elle saisit le sable à pleines mains d’un geste enfantin avant de lever les bras au ciel dans un mouvement de contre-plongée qui l’élève au divin. Jamais le cinéma mystique de Bruno Dumont ne s’est fait plus religieux. Cela s’explique par une capacité à dessiner en peu de plans une icône innocente sur un paysage d’ascèse, et ce dès le travelling d’entrée dans la rivière.

Dès lors, les petits miracles peuvent pleuvoir. Jeannette chante des textes religieux inspirés de Charles Péguy ; le musicien Igorrr connu pour ses expérimentations métal électriques compose une musique baroque qui tombe en déflagration sonore abrasive sur la plage ; et enfin Philippe Découflé signe des chorégraphies naïves et empruntées. L’édifice est volontairement fragile mais il tient car il épouse la cadence du cœur. Et il tient surtout car les personnages ont la foi. L’essoufflement les guette pourtant sans cesse. La parole, qui atteint enfin chez Bruno Dumont des sommets de sacralité, est ici magnifiée pour sa franchise. La prise de son en direct, les mots vacillants de Jeannette ou les bafouillages scandés en rap de son oncle permettent de désigner un à-côté divin qui les dépasse. Les mots sont trop petits face à la consécration divine qui pénètre Jeannette. La grâce survient toujours quand l’homme titube mais que l’énergie redouble, c’est-à-dire quand l’être s’assoupit pour laisser place à un sur-être fugace. Jeannette grandit puis décide de partir. Elle fait le choix de l’apesanteur. Jeannette, l’Enfance de Jeanne d’Arc est un film sur l’évidence d’un envol. La danse de Jeannette qui se déploie de façon incertaine n’est en réalité qu’une piété enfantine qui aiguise ses armes avant de partir au combat. Une danse qui sait le destin céleste qui l’attend. Et à travers cette danse, Jeannette forme à elle-seule un magnifique cosmos.

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Tino Tonomis

1 réflexion sur « #18 – Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc (Bruno Dumont) »

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