#10 – Sayonara (Koji Fukada)

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A l’instar d’un rayon de soleil japonais, la nature en perdition s’empare du dernier film de Koji Fukada de façon lente et diffuse. Elle est pourtant le véritable personnage de ce film. Mais que ce soit derrière l’encadrement d’une fenêtre ou sur la ligne de flottaison d’un ciel de vapeur, la nature reste en arrière-plan. Sayonara est parcouru du début à la fin par la même lumière, douce, matinale et vaporeuse. Cette lumière exprime la condamnation d’un Japon baignant dans l’irradiation la plus totale suite à une série d’attaques sur des centrales nucléaires. Et dans une maison, un robot veille sur Tania, une jeune femme malade. Plus tard, Tania et Reona se feront happés par cette nature troublante lors d’une de leurs rares sorties ensemble en dehors du foyer. L’image se déforme et il devient impossible de définir une profondeur de champ. L’homme, la robotique et la nature constituent en réalité le seul et même paysage. L’image rappelle Mère et Fils d’Alexandre Sokourov dans lequel un fils et sa mère mourante traversent une nature généreuse et vibrante, dernier chant de vie avant l’avènement de la mort. Koji Fukada ne rend pas seulement hommage à Alexandre Sokourov, il renverse le paradigme. La nature devenait malade par contamination des hommes chez Sokourov alors que chez Fukada, la nature est malade bien avant les hommes. L’image déformée devient déformatrice.

L’homme se fait happer par la nature d’une part et par l’intelligence artificielle d’autre part. Lorsque Tania meurt, sa décomposition est filmée en accélérée sous les yeux de Reona qui est interprétée par un véritable androïde. A ses côtés, la mort de Tania paraîtra plus douce. Koji Fukada joue de l’effet Koulechov pour laisser poindre une sorte de trouble sur le visage de Reona. Une angoisse devant la disparation du dernier être humain. La mélancolie des poèmes qu’elle lisait mécaniquement à Tania se cristallise à cet instant sur son visage. Sa fuite à l’extérieur la conduira à une ultime rencontre sous le soleil. Sayonara s’achève ainsi sur l’image d’une irradiation impétueuse. Victorieuse en silence, sous l’humus, les chairs et les coques en plastique.

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Tino Tonomis

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