Le dernier film de Philippe Garrel nous plonge dans les méandres des couloirs d’une université comme il plonge dans l’âme humaine. Sans détours ni hésitations. Avec la volonté de vouloir saisir la belle émotion fugace avant son envol. Avec l’assurance de l’attraper à temps également. La jouissance n’est qu’un moment. Elle n’est belle que parce qu’elle s’évapore aussi vite qu’elle naît. La douleur aussi n’est qu’un moment. Car même si elle aime s’étendre elle a elle-aussi son paroxysme frissonnant. Avec L’amant d’un jour, Philippe Garrel rappelle par une économie de plans, et notamment des plans resserrés saisissants, qu’il est bien le cinéaste du moment. L’émotion ressemble aux couples qui se forment et se déforment. Elle est volage et chargée d’anxiété pour l’avenir. Ariane et Jeanne, les deux personnages féminins s’imposent ainsi comme deux incarnations d’émotions ramassées sur elles-mêmes et soucieuses. Ariane repousse plus haut le plaisir quand Jeanne creuse plus loin dans le sillon de la douleur. Le film est celui de la naissance d’une amitié à la fois inattendue et logique. Le personnage de l’homme, le père de Jeanne et l’amant d’Ariane, n’existe que pour faciliter la rencontre de ces deux plaques tectoniques brûlantes. Il fallait bien la douceur d’Eric Caravaca pour ça.
Cette rencontre opère de curieux et beaux échanges. La vie elle-même offre des moments qu’on échange contre d’autres, se mettant ainsi en perpétuelle tension et en conflit avec elle-même. Jeanne retrouve l’amour perdu et se love à nouveau dans l’intensité de la rencontre ranimée. Ariane, au contraire, se perd dans les pleurs suite aux déconvenues sentimentales et à la violence d’un plaisir abandonné. Mais à elles deux, elles constituent une émotion plus forte et plus durable : une tendre amitié. Rien ne reste à part la tendresse. Et d’un film qu’on croyait voué à la caresse amoureuse, à l’ode sensuelle et à la peau transie, nous arrivons à un film où ne subsiste que la tendresse nue. Les draps de l’érotisme sont tombés mais la sensualité n’a pas disparu. Elle a seulement glissé. Et dans le lit, temple de l’intime, cohabitent alors l’amour d’un jour et la tendresse de toujours.
Tino Tonomis
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