#7 – Jackie (Pablo Larrain)

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La sobriété du titre et la représentation iconique de Jackie Kennedy emprisonnée d’un rouge flamboyant sur l’affiche du film ne doivent pas égarer le spectateur. Le cinéma nous habitue trop souvent à des petites histoires sur de grands personnages, biopics lisses et linéaires, plus explicatifs que cinématographiques. Pablo Larrain prend le contre-pied en réalisant une grande histoire sur une personne que l’avènement de la tragédie réduit. Grande histoire car ce que le film raconte dépasse le personnage et surpasse les enjeux biographiques. Jackie est un film sur l’affrontement violent du vécu intime de la mort face à l’inévitable représentation médiatique de celle-ci. C’est un film sur l’impossibilité de trouver une dignité pérenne dans ce tiraillement, et donc de trouver la paix. Et sans presque le vouloir, Pablo Larrain fait de Jackie Kennedy un personnage plus mythologique qu’historique, un personnage fragmenté et démoli par l’absurdité tragique mais qui se drape dans les vêtements rouges de la dignité pour ne rien laisser paraître. Ce n’est pas pour rien que la psychologie tire plus de références de la mythologie que de l’Histoire.

Le mythe se dessine dans les grands espaces dans lesquels titube Jackie : la Maison Blanche, son jardin ou le cortège. La perte d’équilibre menace dans l’immense profondeur de champ. Et le montage du film, prodigieux, bouscule tout. Le chaos traumatique est son seul conducteur. Tout se confond : l’entretien avec le journaliste, les souvenirs de la tragédie frappant comme des balles dans l’atmosphère sec, les images d’archive de Jackie faisant visiter la Maison Blanche à des journalistes, l’organisation des funérailles ou encore la vie de famille. Tour à tour, Jackie est veuve, femme, mère de famille ou dame d’Etat. Elle est toujours tragiquement seule. Le film crépusculaire est aussi celui d’un monde qui nous échappe comme du sable dans le creux d’une main. Et, dans le lent coucher de soleil et les discussions avec le prêtre, Pablo Larrain signe une ode à la solitude et au retrait philosophique. Ce retrait est pourtant impossible car Jackie est en permanence exhortée à publiciser sa vie. La violence de la politique américaine est telle que le concept de vie privée est sabordé à vie. Le langage du cœur scintille seul au milieu du langage politique. Jackie doit trouver sa propre musique. Les compositions de Mica Levi sonnent alors comme une douce alliée pour conduire Jackie de la solitude au courage. Jackie ne s’effondrera pas. Sa retenue pleine de désarroi et de superbe deviendra sa force.

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Tino Tonomis

1 réflexion sur « #7 – Jackie (Pablo Larrain) »

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