#8 – Good Time (Ben & Josh Safdie)

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De leur passé de cinéastes indépendants sans thunes, les frères Safdie ont gardé le goût de l’illégalité, tournant avec des inconnus dans les bas-fonds souterrains de New-York. Leurs personnages ressemblent étrangement à leur cinéma kamikaze. Ils refusent la loi pour mieux obéir aux lois du cœur, celles de la spontanéité qui oublie les lendemains. Ils courent en permanence en apnée avec cette idée que s’arrêter signifierait l’enrayement des rouages et la mort de la machine infernale. Ces oiseaux de nuit sont plongés dans des combats perdus d’avance qu’ils relèvent pourtant grâce à leur énergie prométhéenne. Dans Mad Love in New York, Arielle s’enfonçait dans le Royaume des Morts et se laissait consumée par l’héroïne tout en restant du côté des vivants et pleinement incandescente. L’incandescence d’une vie qui tutoie la mort est aussi ce qui porte Connie et Nick dans Good Time.

Tout ressemble à un étrange cauchemar. A l’instar de ceux qui s’accrochent aux esprits même après un réveil en sursaut et qui se poursuivent jusqu’au bout de la nuit. Le cauchemar se déclenche lorsque le butin de leur braquage leur balance une poudre rouge au visage. Ainsi marqués au fer rouge, ils s’engagent dans une trajectoire balbutiante. La nuit new-yorkaise est magnifique. Le chef opérateur crée des jeux de lumière saturés à partir de points lumineux glanés dans la nuit. Une lumière de machine d’hôpital. La nuit de néon en devient artificielle, comme composée à partir des monstres modelés par une conscience nocturne en lâcher prise. L’heure est alors à la confusion. Connie confond Nick avec un autre à l’hôpital et le kidnappe, puis le même Connie se teint les cheveux  en blond sans raison donnant ainsi à son visage une nouvelle teinte artificielle qui se fond dans les halos suréclairés de la nuit. La confusion est à son comble lors de la séquence du train fantôme à la fête foraine. A ce moment-là, l’horizon semble s’obscurcir encore plus. L’enfermement circulaire de Connie sur les rails et l’affrontement de pantins désarticulés forment une mécanique infernale.

Le film se clôt comme il s’ouvre, sur la pathologie de Nick. La première victime de cet enfermement circulaire, c’est finalement lui. Alors que son frère Connie est condamnée à dériver dehors, Nick ne peut que passer d’un bout à l’autre de la pièce à l’intérieur. Ces frères dépendent l’un de l’autre mais ils sont condamnés à ne se croiser furtivement qu’au seuil de la porte. Organiquement liés et socialement séparés, les deux frères affrontent une ultime injustice. La course contre l’oubli peut redémarrer. Le combat à mort peut reprendre.

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Tino Tonomis

1 réflexion sur « #8 – Good Time (Ben & Josh Safdie) »

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