100 merveilleux albums de 2017 – #80 à #71

80/ PileA Hairshirt of Purpose (indie rock)

hairshirt of purpose

A flanc de colline, le rock sinueux de Pile se perd dans des lacets incertains : ralentissement soudains présageant de fatidiques volte-faces, surtensions en perpétuel balancement, voix en plein remous ; à chaque virage la bascule semble imminente. Habituée à être sur le pont en pleine tempête, une telle musique ne connaît que trop bien le goût savoureux du danger. Et ses structures mouvantes se tiennent prêtes à tous les risques : prêtes à renier les mélodies précédentes pour jouer leur survie, prêtes à jouer les notes discordantes qui préparent les plus belles chutes. Et en définitive, prêtes à accélérer au bord du précipice.

Une chanson : https://pile.bandcamp.com/track/milkshake
Parce que l’ombre des magistraux Built to Spill période Perfect from Now On plane dans ce ciel de colère saturé de bourrasques.

 

79/ WandPlum (rock / pop)

plm

Fin de match. Anciennement comparses d’un fuzz psychédélique percutant, Wand livre avec Plum son album le calme et hagard, presque titubant. Les guitares saturées évacuent le ring. Nouveau départ. Sur la chanson éponyme, chaque instrument s’introduit, esquisse un pas de côté et minaude de sa démarche chaloupée quitte à frôler le désaccord. Les lignes s’ordonnent sagement mais elles ne peuvent pas toujours prendre la tangente. De leur rencontre inattendue surgit alors le beau déraillement garage. Croquis aléatoires, tentatives d’approche maladroites et charmantes, méandres cassés, improvisations dans les brèches : ce canevas a la beauté imparable de sa faiblesse.

Une chanson : https://www.youtube.com/watch?v=ZzMudUqKfPA
Parce que la voix escarpée de Cory Hanson arpente des riffs de guitare sonnés mais toujours cabochards avant de céder à l’amour démuni qui redonne le goût du combat.

 

78/ MogwaiEvery Country’s Sun (post rock)

every country's sun

Comme la résurgence d’une œuvre de jeunesse, une introduction mélancolique (Coolverine) salue depuis la rive Happy Songs for Happy People, un album à fleur de corde. Album d’arpèges joyeux et de vrilles juvéniles, une certaine candeur s’exhale de Every Country’s Sun, tout entier tourné vers la volée lyrique, et donc vers l’après. Mais après, qu’y a-t-il ? Le triomphe de la démesure exaltée, les dégourdissements libérateurs entre autres. Brièveté des caresses ; le post rock de Mogwai s’embarrasse de peu de confort et n’aime rien tant que la mitraille rêche qui succède aux louvoiements.

Une chanson : https://www.youtube.com/watch?v=ztIc_wXsIP0
Parce que les nuages de soufre de la terre enfumée finissent dispersés aux quatre vents par la surchauffe des plaques tectoniques.

 

77/ GhostpoetDark Days + Canapés (hip hop / spoken word / trip hop)

dark days + canapés

La répétition des jours sombres et monotones accroche en toile de fond une musique monochromatique. Quelques riffs aux tons majeurs suffisent pourtant à percer la grisaille et à y apporter des lueurs inespérées. Le quotidien se réenchante à la bougie. Et le lyrisme de Ghostpoet opère sa mue. Ce lyrisme prend naissance dans des contrées froides, glacées comme le macadam d’un logis rembruni, mais grandit sous la douce chaleur hivernale. La partition gagne alors en densité, en orchestration joyeuse et en éclats ; lumière pâlotte qui ne repousse que timidement l’inquiétude existentielle exprimée en spoken word.

Une chanson : https://www.youtube.com/watch?v=OeSAHo9pSYk
Parce que le piano noie les espoirs dans les flaques d’eau mais que penchés sur ces flaques, nous pouvons sentir les ondes réconfortantes des guitares et violons.

 

76/ Crystal FairyCrystal Fairy (glam rock / sludge metal)

crystal fairy

Teri Gender Bender possède une voix de poupée sortie des tréfonds lugubres. A elle-seule, elle fait basculer Crystal Fairy dans le film d’horreur. Les musiques juvéniles ne se privent pas d’ensanglanter des territoires solaires et ensablés parfois bien trop tranquilles. Car c’est au soleil que le sang sèche encore le mieux. C’est ainsi que surf rock, glam rock, metal ou encore hardcore s’en donnent à cœur joie. Autant de styles composites pour forger un univers grimaçant, macabre et passionnel. Chez Crystal Fairy les sourires crachent les vices et les riffs de guitare s’étendent jusqu’à la distorsion comme des grimaces effroyablement tendues.

Une chanson : https://www.youtube.com/watch?v=UzPP0P3l2ic
Parce que les coups de fusain metal à base de palm mute a la beauté racée et décharnée d’A Song for the Dead des Queens of the Stone Age, offrant d’emblée l’auditeur en victime expiatoire de la voix à cisaille de Teri Gender Bender.

 

75/ The Brian Jonestown MassacreDon’t Get Lost (rock psychédélique)

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Don’t Get Lost a de quoi surprendre l’inconditionnel du répertoire lo-fi, vacillant et mal soigné du Brian Jonestown Massacre car sur cet album la joyeuse troupe toujours intenable se branche en courant alternatif. Avec les doigts électriques d’Emil Nikolaisen de Serena-Maneesh aux manettes, le grand dérèglement est fatal, le risque d’électrocution avéré. Entre réseaux mal réglés et connexions synaptiques au bord de la rupture, les électriciens opèrent en milieu hautement psychédélique. Un album agité d’électrons, coulé à l’acide, et prêt à toutes les embarquées grésillantes et scintillantes.

Une chanson : https://www.youtube.com/watch?v=xAhMDo8I_uA
Parce que le Brian Jonestown Massacre illumine son propre Dropping Bombs on the White House pour déclarer la guerre au soleil et s’y brûler les ailes.

 

74/ JonwayneRap Album Two (hip hop)

rap album two

Adepte d’un hip hop en éveil et gorgé de rosée, Jonwayne aime les légers sursauts du matin. Un synthétiseur primesautier et enfantin ; et il en ressort des comptines hip hop en floraison et sans ligne de basse entêtante. La musique s’y fait plus sensible à l’environnement extérieur qu’à la platine ; cela confine à l’anachronisme. Ainsi les nombreuses parties instrumentales font croiser les vols d’insectes, délivrent des respirations malicieuses et stoïques puis désignent des paysages éphémères. La contemplation avant l’évaporation et les agitations du quotidien.

Une chanson : https://www.youtube.com/watch?v=vnW2G05qREA
Parce que le l’aurore se fredonne sur une flûte virevoltante, une basse flânant-là, le regard levé vers un ciel qui menace, tremble et pleure avant de s’ouvrir sur une minute de quiétude magistrale.

 

73/ Alfa MistAntiphon (jazz)

antiphon

Rien ne destinait Alfa Mist au jazz modal. Et c’est d’un pas timide que le producteur de hip hop inconditionnel de J Dilla s’engage vers des chemins de broussaille. Une trompette s’essaie à des gimmicks rassurants. Puis sorties des bas-côtés, des notes décalées engagent le pas ; la partition s’emmêle alors dans de légers contretemps et une respiration en saccades. Jazz dénicheur et faussement dompté. Mais un jazz éthéré et pleinement ouvert. Et ce jazz assagi sous la lune ne demande qu’à pénétrer plus loin dans la nuit bleue.

Une chanson : https://www.youtube.com/watch?v=FOxNYnFPRWA
Parce qu’Alfa Mist compose en se guidant avec les étoiles, suivant à l’aveugle des voix cachées dans la pénombre pour finir le souffle coupé dans la grâce d’une clairière.

 

72/ Richard DawsonPeasant (folk psychédélique)

peasant

Retour à la dissonance des temps anciens, ces temps où les complaintes n’étaient clamées que par des bardes aux lyres fourbies et où les poètes étaient répudiés de la cité. Richard Dawson en revient à la solitude du bouffon. Dans un écrin de sonorités médiévales, des mélodies y sont brisées, presque refusées, toujours labourées dans des sillons de cordes martyrisées et violemment claquées au nez du badaud. La voix de Richard Dawson redessine le lyrisme en dehors des chausse-trappes. Et cette voix se répète dans un écho enfantin comme un chant des temps oubliés.

Une chanson : https://www.youtube.com/watch?v=jfaW-yD7DoA
Parce que cordes vocales et cordes de guitares claquent dans des pugilats à la rythmique martiale avant de s’unir dans une joyeuse et interminable ronde paysanne.

 

71/ Heliogabale Ecce Homo (noise rock /art rock)

ecce homo

Heliogabale n’en a pas fini avec la chaleur : glissement de territoires, réchauffement des plaques tectoniques fumantes, leur rock fiévreux est empreint de bouillonnements érotiques. Dans les étreintes dévoyées et les voix éreintées, les mélodies sont embarquées le temps d’une nuit. Elles sont expédiées, suivent un désir qui n’a pas le temps. Parfois, cela sonne comme Noir Désir époque Veuillez rendre l’âme. Une chanson comme Bourrasque ressemble même un peu à Joey I. Ces mélodies se consument d’elles-mêmes ; elles brûlent d’être et dansent sur le feu. Et de ces lents embrasements, il n’y a fatalement plus rien à sauver.

Une chanson : https://www.youtube.com/watch?v=N-yKRbCFJjY
Parce que les riffs ondulants et amoureux préparent aux glissements voluptueux où la chair se laisse entièrement coloniser.

 

Tino Tonomis

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